TWIZY & Cie

Mobilize DUO, c’est déjà fini ! Renault revoit sa stratégie et ça fait mal...

Dessin légèrement satirique, dont le titre est Mobilize Duo déjà fini, représentant  François Provost, le nouveau patron de Renault, traçant des courbes sur un tableau blanc, courbes qui en réalité barrent la photo du Mobilize Duo qui se trouve en fond.

Le 12 décembre 2025, Renault Group a provoqué une certaine stupeur en annonçant dans un communiqué officiel, l’arrêt de certaines initiatives jugées insuffisamment rentables, auparavant portées par sa marque Mobilize Beyond Automotive, notamment la production du quadricycle électrique Mobilize Duo. Cette annonce marque un tournant pour Renault, qui repense son offre de mobilité durable dans un contexte économique tendu. 

Officiellement, l’objectif affiché est d’améliorer l’expérience client, optimiser les investissements et concentrer les ressources sur les activités soutenant directement la transition vers l’électrique. Mais implicitement, cette décision apparaît aussi comme la conséquence de choix stratégiques douteux d'un passé récent, dont les limites se sont rapidement révélées.

Mobilize Duo : la courte histoire d’un quadricycle électrique mal né

Le Mobilize Duo, présenté tardivement en 2021 sous le nom EZ-1, se voulait une nouvelle réponse aux enjeux de la mobilité urbaine légère. Il était alors décrit comme une innovation, mais apparaissait de toute évidence comme l'évolution tant souhaitée du Renault Twizy, lancé dix ans plus tôt. L’objectif était clair : proposer un quadricycle électrique à faibles émissions, pensé pour les centres-villes. Mais le Duo n'était pas à vendre puisque exclusivement réservé à l'autopartage, qui était supposé être l'avenir de l'automobile. C'était la fameuse "Renaulution", la révolution de Renault.

Sur le papier, le Duo disposait d’arguments solides : un design distinctif, une autonomie annoncée de 160 km — élevée pour la catégorie —, un rarissime airbag conducteur de série, ainsi qu’une version L7e autorisée à rouler jusqu’à 80 km/h. Toutefois, face aux déconvenues de l'autopartage et après un changement radical forcé de stratégie commerciale, sa mise en vente effective n’est intervenue qu’en octobre 2024, avec les premières livraisons au printemps 2025. Seulement quelques mois plus tard, Renault met un terme au programme. Quant à la déclinaison utilitaire, le Mobilize Bento, elle n'aura jamais vu le jour.

Malgré certaines avancées industrielles, comme la production de plusieurs milliers d’unités à l’usine de Tanger au Maroc, le Mobilize Duo ne semble donc pas avoir rencontré le succès nécessaire à sa survie.

Selon des informations communiquées à la presse spécialisée, les commandes resteront ouvertes jusqu’au 31 décembre 2025 dans les pays où le quadricycle a été commercialisé — France, Espagne, Italie, Pays-Bas et Suisse. Les commandes existantes seront honorées et l’après-vente assuré, garantissant un accompagnement aux clients déjà engagés.

Ce que dit le communiqué officiel

Dans son communiqué du 12 décembre 2025, Renault Group détaille le repositionnement stratégique de ses activités liées à l’électromobilité. Plutôt que de conserver une entité distincte dédiée à des initiatives périphériques, le groupe a choisi d’intégrer certains services directement sous son propre nom, avec l’objectif revendiqué d’offrir une expérience client plus fluide et cohérente.

Parmi les principaux points annoncés, on relève :

  • l’arrêt des activités de Mobilize Beyond Automotive, jugées insuffisamment alignées avec les nouvelles priorités stratégiques ;

  • la fin de la production du Mobilize Duo ainsi que l’arrêt des services d’autopartage Zity à Milan et à Madrid ;

  • l’intégration des solutions de recharge électrique aux opérations commerciales du groupe, avec une baisse des objectifs initiaux ;

  • la poursuite de l’utilisation de la marque Mobilize, mais seulement pour certains services financiers.

Selon Renault, cette réorganisation doit permettre de concentrer les ressources sur des leviers de croissance plus directement liés à la transition énergétique, en particulier les services de recharge.

Ce que le communiqué ne dit pas

En filigrane, cette annonce peut aussi être lue comme une remise en question de la "Renaulution", la stratégie mise en place au début des années 2020 par Luca de Meo, le prédécesseur de l'actuel patron de Renault, François Provost. L’entité Mobilize Beyond Automotive, créée en 2021, portait une ambition assez large et plutôt floue : aller « au-delà de l’automobile ». Dans les faits, il lui a été impossible d'aller au-delà des réalités du marché automobile.

Plusieurs projets ont ainsi échoué : la Mobilize Limo, une familiale électrique chinoise destinée aux taxis, jugée trop onéreuse ; le service d’autopartage Zity à Paris, notamment en raison de dégradations répétées ; le lancement commercial tardif, peu lisible et peu concurrentiel du Mobilize Duo. 

Selon des informations rapportées par l’agence Reuters, pour le moment, la disparition de la filiale entraînerait la suppression d’environ 80 postes sur les 450 que compte Mobilize.

Les raisons de difficultés très prévisibles

L’objectif ici n’est pas de refaire le match, mais d’analyser des choix dont le manque de pertinence ou d'efficacité était perceptible dès leur mise en œuvre. Si le contexte général du secteur automobile — incertitudes économiques, intensification de la concurrence, politiques publiques d’aide à l’achat chaotiques — pèse indéniablement, la responsabilité de Renault dans l’échec du Mobilize Duo ne peut pas être écartée.

Plusieurs facteurs ressortent clairement :

  • Bien que pionnier avec le Twizy dès 2012, Renault a pris un retard notable face à la Citroën Ami, lancée en 2020, alors que le Mobilize Duo n’est arrivé que quatre ans plus tard.

  • Le choix initial de réserver le Duo à l’autopartage a restreint d’emblée son intérêt, excluant ceux qui souhaitent être propriétaires de leur véhicule, et aussi les zones rurales qui représentent pourtant près d’un quart de la population française. Le repositionnement ultérieur vers la vente aux particuliers et aux professionnels est probablement intervenu trop tard pour inverser la perception du produit.

  • Son positionnement tarifaire, pour la version sans permis environ 2 000 euros plus élevé que celui de la Citroën Ami, a constitué un frein majeur, malgré des prestations techniques supérieures.

  • Le choix de commercialiser le véhicule sous la marque Mobilize, forcément méconnue, plutôt que sous le losange Renault — ou pourquoi pas sous l’enseigne Dacia — a obligatoirement limité sa visibilité et son attractivité.

  • Enfin, le refus d’assumer clairement la filiation avec le Renault Twizy, pourtant doté d’un très fort capital sympathie, a déstabilisé une partie de ses fans qui attendaient avant tout un « Twizy 2 » et qui ont pu y voir un désaveu inexplicable.

Compte tenu de ces éléments, il est légitime de s’interroger sur les objectifs de vente initialement fixés. Il ne fallait quand même pas trop rêver... L’absence de communication chiffrée et la rapidité de l’arrêt du programme suggèrent des performances commerciales catastrophiques.

Conclusion

L’arrêt du Mobilize Duo illustre les difficultés rencontrées par les constructeurs historiques lorsqu’ils tentent d’explorer de nouveaux segments sans alignement clair entre produit, usage et stratégie de marque. Renault dispose pourtant d’une véritable expertise dans le domaine du quadricycle électrique, acquise depuis près de 20 ans, notamment avec le développement du Twizy.

Reste à espérer que le groupe saura tirer les enseignements de ces expériences et rebondir avec des propositions mieux calibrées. En attendant, son retrait de ce segment profite à d’autres acteurs, en particulier des constructeurs plus agiles de quadricycles lourds. Des projets comme celui de Kilow et sa « Bagnole », dont le carnet de commandes et la production semblent progresser doucement mais régulièrement, montrent qu’une approche plus pragmatique peut trouver son public.

Les petits auraient-ils, parfois, quelque chose à apprendre aux grands ?

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